" 19 climats différents pour allier production et pédagogie ! "
Philippe Mathé, directeur de l'établissement de production du Lycée horticole de Saint-Germain-en-Laye (78), a suivi la rénovation des serres pédagogiques. Un chantier hors norme marqué par des contraintes à la fois techniques et liées à l'enseignement. Le tout dans un site classé particulièrement sensible !
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C'est l'histoire d'un chantier dont la gestation aura duré 35 ans ! Philippe Mathé, l'actuel directeur de l'exploitation du lycée horticole de Saint-Germain-en-Laye, l'un des plus anciens établissements publics en France à former des jeunes aux métiers de l'horticulture et du paysage, n'était pas né. Les premières réflexions pour la réhabilitation du lycée datent en fait des années 1980 ! Il faut dire que l'établissement se situe sur un site classé et qu'à ce titre, obtenir le permis de construire n'a pas été aisé. Celui-ci a finalement été délivré en 2007.
Évidemment, si le chantier de rénovation de la serre pédagogique n'a pas toujours coulé de source, celui du bâti fut nettement plus important. Agrandir la surface disponible pour la pédagogie et l'accueil des jeunes en formation sans gagner en hauteur ni en surface disponible, ce qu'imposait le classement du site, a nécessité de créer des espaces en sous-sol, en laissant en place les structures existantes. Le chantier a donc consisté à concevoir un étage de plus sous les étages déjà existants. Des travaux pharaoniques à plus de 50 millions d'euros. Mais les exploits (ou délires ?) constructifs ne sont pas des sujets qui nous intéressent dans le Lien. Pour résumer simplement, disons que ces travaux ont débuté en 2011 et ont duré quasiment cinq ans, alors que trois années étaient prévues au départ. Depuis, les élèves de l'établissement disposent de bâtiments bien mieux adaptés aux besoins actuels.
> Le désamiantage, un processus plus compliqué que prévu. Si le bâti avait besoin de ce renouveau, les serres pédagogiques datant des années 1970 donnaient d'évidents signes de fatigue. Leur rénovation a été réalisée par l'entreprise CMF à partir de novembre 2015. La première étape, qui fut la destruction des anciennes serres, s'est montrée plus compliquée de prévu, pour utiliser un doux euphémisme. Evalué à 85 000 euros à l'origine, le chantier en aura finalement coûté 355 000. « Le protocole de démontage a été compliqué, explique Philippe Mathé. Les sols béton de certaines serres et les fonds de tablettes des anciennes serres contenaient de l'amiante. Les opérateurs ont donc dû opérer en s'équipant de scaphandres, puis respecter des durées de travail strictes dans des conditions particulières de pression d'air... Mais surtout, il s'est avéré, lors des premières opérations de démontage, que les joints des serres avaient été collés avec un type de colle qui contenait également de l'amiante. Résultat, une partie des verres de l'ancienne couverture n'est pas partie au recyclage mais en désamiantage ». Ce qui ne consiste évidemment pas à la même somme de travail et n'a pas le même coût ! Plus complexe que prévu, cette première phase de travaux a pris deux mois de plus que ce qui avait été planifié.
> Des règles de construction drastiques pour un site classé. Le classement du site n'a pas été neutre sur le choix de la structure de serre : l'architecte des bâtiments de France voulait que leur sommet reste bas. Il a donc fallu creuser pour descendre au-dessous du niveau des abris initiaux afin d'avoir des serres assez hautes, tout en ne dépassant pas la hauteur maximale requise. De plus, pour des raisons esthétiques, il a fallu travailler avec des verres en « demi-maille », c'est-à-dire avec des verres plus petits que ceux utilisés habituellement. Au passage, qui dit verres plus petits dit aussi plus d'éléments dans la structure métallique, donc plus de poids et une charpente métallique qui a dû être renforcée... Au final, les serres ont pu être livrées en 2017, leur inauguration a été réalisée en septembre de l'année dernière. Elles devaient répondre aux objectifs pédagogiques des jeunes formés sur l'établissement. Pour satisfaire leur curiosité, il fallait qu'elles puissent renfermer le plus grand nombre d'itinéraires de culture possible. Pour cela, les 4 200 m2 de la nouvelle structure verre, auxquels il faut ajouter 2 800 m2 d'abris plastique, ont été divisés en compartiments de 250 m2 en moyenne, l'ensemble permettant de proposer 19 climats différents. Certains compartiments sont équipés d'éclairage ou d'occultation, de fog, etc. Tous les types d'irrigation, goutte-à-goutte, aspersion, subirrigation, etc., sont aussi représentés. « Les élèves peuvent tout voir avec parcimonie », précise Philippe Mathé. À l'exception de la fertilisation CO2, qui était présente dans le premier appel d'offres des serres, mais qui a été annulée dans un second. De la même manière, les serres sont classiquement chauffées au gaz alors que le premier appel d'offres portait sur la biomasse. Mais la cheminée de la chaudière aurait alors émergé dans le paysage du site classé, et l'architecte des bâtiments de France n'a pas cédé sur ce point... De la même manière, pour éviter un dépassement de budget de 400 000 euros, les gestionnaires du projet ont renoncé à l'installation d'un robot. Par contre, un système de tablettes mobiles permet de faire circuler les cultures d'un compartiment de serres à l'autre sans encombre. À noter que chaque compartiment dispose d'un compteur divisionnaire d'eau et d'énergie, pour pouvoir à chaque fois calculer précisément des coûts de revient et des marges.
> Pendant les travaux, le point de vente est resté ouvert. L'exploitation du lycée horticole de Saint-Germain-en-Laye est aussi une petite entreprise qui compte une douzaine de salariés. Les productions des serres sont vendues à une clientèle locale plutôt fidèle sur un point de vente installé dans les serres et en extérieur pour les produits de pépinière. L'objectif n'est pas de dégager le plus de marge possible, mais de rester à l'équilibre. Un objectif qui n'a pas pu être atteint pendant les deux années de travaux. Le point de vente de l'établissement avait alors été transféré un peu plus loin, sur des terrains attenants à la station Arexhor Seine-Normandie. Un déménagement qui n'a pas forcément été apprécié par tous : « nos clients ont entre 55 et 80 ans, ils n'aiment pas trop changer leurs habitudes », explique Philippe Mathé. Résultat, les deux années d'exploitation éloignées du point de vente habituel ont été difficiles, avec un chiffre d'affaires en baisse de 35 à 40 %. « Nous avons compensé les déficits de résultat en prélevant sur le fonds de roulement et sur des subventions d'exploitation, précise le directeur de l'établissement. Mais nous devons maintenant revenir à l'équilibre ». Et maintenant que les clients ont redécouvert leur point de vente tout neuf, les choses sont revenues à la normale, avec un chiffre d'affaires prévisionnel en 2018 de 700 000 euros environ. L'objectif est d'atteindre 850 000 euros en 2019 et 1 million en 2020.
> Faire évoluer l'offre tout en répondant aux besoins pédagogiques. Maintenir cet équilibre financier tout en ne cédant rien sur les besoins pédagogiques ni sur la nécessité de s'adapter à la demande qui évolue n'est pas toujours simple. « Avant, nous vendions 55 % de plantes fleuries, aujourd'hui ce n'est plus que 45 %... Le maraîchage a pris un essor, des diversifications ont été menées », détaille Philippe Mathé. Mais comment continuer à montrer des cultures de plantes à massifs alors que sur certaines la demande a tellement baissé que les cultiver n'a plus vraiment de sens ? Sur ce cas précis, une solution originale a été trouvée. Pour son fleurissement, la ville de Saint-Germain-en-Laye produisait des plantes à massifs dans une unité de production vieillissante et située sur une commune voisine. Elle avait en face d'elle deux solutions, soit recréer un établissement de production, soit s'approvisionner sur l'exploitation du lycée. C'est la seconde solution qui a été choisie, avec un procédé original : deux agents du service des espaces verts de la ville travaillent dans les serres du lycée et en échange, le lycée fournit à la ville tout ce dont elle a besoin pour fleurir la commune. Un échange de bons précédés qui a permis au lycée de retrouver un niveau de production substantiel de plantes à massifs et de réaliser des économies d'échelle en produisant de plus grandes séries, tout en permettant à la ville de réaliser une économie annuelle de 35 000 euros.L'unité de production du lycée horticole de Saint-Germain-en-Laye dispose désormais d'un outil adapté aux attentes. Elle vit une période de transition, avec des départs à la retraite récents qui vont générer des recrutements très prochainement, pour un cadre en cultures ornementales et un ouvrier hautement qualifé en cultures vivrières, qui devront accompagner la transition des ateliers vers l'agriculture biologique. Vivaces en pots de deux litres pour la pépinière, cultures d'endives et de champignons en maraîchage, etc., ont été développées. De quoi satisfaire les besoins de formation des élèves. Et surtout c'est l'occasion de les motiver à suivre un cursus horticole, ce qui reste évidemment compliqué lorsque l'on est situé à 15 km de Paris et dans une aire urbaine où la production ne se développe plus vraiment !
Pascal Fayolle
La rénovation des serres pédagogiques du Lycée horticole de Saint-Germain-en-Laye (78) s'est déroulée entre 2015 et 2017. La hauteur des serres a été limitée pour s'inscrire dans le site classé. Exploitation du lycée horticole de Saint-Geramin
Le compartiment le plus chaud de la serre permet la culture des poinsettias. Un système d'occultation « maison » a été installé. PASCAL FAYOLLE
Un ordinateur central permet de piloter l'ensemble des compartiments de serre. PASCAL FAYOLLE
Tous les systèmes d'irrigation sont présents dans les serres, subirrigation, aspersion, goutte-à-goutte... L'objectif est que l'outil soit le plus pédagogique possible. PASCAL FAYOLLE
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